Ste Lucie (Luce) le 26 décembre
Encore une sainte dont la vénération est tout imprégnée de symbolique. Son nom, d’abord : Lucie veut dire lumière. Celle qui annonce la fin de l’hiver. Elle accompagne le solstice d’hiver, la nuit la plus longue. Comme la St Jean d’Hiver (21 décembre, St Jean-Baptiste, qui annonce la lumière apportée par Jésus), qui répond à la St Jean d’Eté (21 juin, St Jean l’Evangéliste, qui proclame le salut arrivé et rayonnant). Un proverbe dit : « A la Ste Luce, les jours augmentent d’un saut de puce ». Pour vérifier le dicton, il faut attendre le 26 décembre, au solstice d’hiver. C’est l’occasion de grandes fêtes de la lumière : en Suède, Ste Lucie est représentée en jeune fille vêtue de blanc, parcourant les rues avec une couronne de bougies allumées. Elle était jadis fêtée le 13 décembre, date du solstice selon le calendrier julien, remplacé en 1582 par le calendrier grégorien, qui est toujours en vigueur.
Ste Lucie est sicilienne, née à Syracuse à la fin du IIIème siècle. Son histoire est largement teintée de légende, comme celle de beaucoup de saints de cette époque. Elle avait une grande vénération pour Ste Agathe, sa compatriote, et aurait fait vœu de virginité. Elle distribua ses biens aux pauvres, mais sa mère l’avait promise en mariage. Econduit, celui qui devenir son époux entra dans une fureur terrible. Et là intervient le flot du légendaire. Il fit endurer les pires supplices à Lucie, qui refusa toujours d’abandonner sa foi. Elle s’arracha les yeux, et les envoya à son soupirant. Cet épisode fit d’elle la patronne des aveugles, des opticiens, des ophtalmologue.
A la période où elle vécut (début du IVème siècle), régnait Dioclétien, dont on connaît l’hostilité aux chrétiens, accusés de saper les fondements de l’Empire romain. Le culte de la lumière, toujours vivace dans les grandes civilisations, et mis en scène par les religions, explique que Lucie ait été prise comme emblème, et resitué dans un contexte chrétien. Le sens est que la présence de Dieu est plus puissante que tous les appareils politiques ou les régimes les mieux établis. Nombre de saintes vénérées dans la première Eglise sont des filles d’origine aristocratique, qui résistèrent au pouvoir impérial, tenu par des hommes à la cruauté impitoyable. Une façon, pour les femmes, de revendiquer le respect de leur dignité….Et de célébrer la lumière, celle qui nous vient des astres, ou celle qui nous vient d’un Dieu qui active la vie.
Ste Lucie et Fratelli Tutti
Quoique de naissance aristocratique, mais Lucie était une gamine qui, dans le puissant empire romain, comptait peu : ni influence, ni prestige. La foi chrétienne est structurée par la priorité pour les sans droits, les refoulés, les méprisés. Nous rencontrons en ce moment beaucoup de personnes qui ont des « idées noires », prises par la désespérance. L’hiver symbolise et accroît la tristesse. Lorsque la nuit régresse, apparaît l’envie de célébrer le printemps qui, doucement, s’annonce. C’est sur ce sentiment général que s’appuie le calendrier liturgique, largement repris des fêtes païennes qui accompagnaient le cycle des saisons. La Sainte Lucie marque la douce réapparition de la lumière, comme Noël annonce un monde plus lumineux. Tel est la mission des chrétiens, de répandre la lumière dans le cœur de habitants de la Terre.
Le pape François inscrit son propos dans le flux des espérances et des angoisses humaines, pour indiquer une voie qui s’origine dans l’Evangile et l’expérience de Jésus et des premières communautés. Ainsi de son explication de la parabole du « Bon Samaritain », ou de l’étranger bienveillant. (Par. 73).
« La parabole nous fait ensuite poser un regard franc sur ceux qui passent outre . Innocente ou non, cette indifférence redoutable consistant à passer son chemin, fruit du mépris ou d’une triste distraction, fait des personnages du prêtre et du lévite un reflet non moins triste de cette distance qu’on crée pour s’isoler de la réalité. Il existe de nombreuses façons de passer outre, qui se complètent : l’une consiste à se replier sur soi-même, à se désintéresser des autres, à être indifférent. Une autre est de ne regarder que dehors. En ce qui concerne cette dernière façon de continuer son chemin, dans certains pays ou milieux, il y a un mépris envers les pauvreset envers leur culture, et un mode de vie caractérisé par le regard dirigé vers l’extérieur, comme si on tentait d’imposer de force un projet de société importé. L’indifférence de certains peut ainsi se justifier, car ceux qui pourraient toucher leur cœur par leurs revendications n’existent tout simplement pas. Ils se trouvent hors de l’horizon de leurs intérêts. »
Ne peut-on pas penser, en lisant ces propos, aux migrants soupçonnés, enfermés, pourchassés, abandonnés dans le froid et la pluie, aux enfants ou adolescents, éreintés de meurtrissures physiques et psychologiques, isolés, poursuivis sans pouvoir trouver repos ou écoute. Ce n’est pas en Chine, en Tchétchénie ou au Soudan. C’est chez nous, Place de la République à Paris.
Méditation préparée par le p. Jean-Marc Bocquet